Citation de Milan Kundera

Être courageux dans l'isolement, sans témoins, sans l'assentiment des autres, face à face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force.

Composer un roman c'est juxtaposer différents espaces émotionnels, et que c'est là, selon moi, l'art le plus subtil d'un romancier.

Le roman est le fruit d'une illusion humaine. L'illusion de pouvoir comprendre autrui.

Nous écrivons des livres parce que nos enfants se désintéressent de nous. Nous nous adressons au monde anonyme parce que notre femme se bouche les oreilles quand nous lui parlons.

L'invention de la presse à imprimer a jadis permis aux hommes de se comprendre mutuellement. À l'ère de la graphomanie universelle, le fait d'écrire des livres prend un sens opposé : chacun s'entoure de ses propres mots comme d'un mur de miroirs qui ne laisse filtrer aucune voix du dehors.

La source de la peur est dans l'avenir, et qui est libéré de l'avenir n'a rien à craindre.

On crie qu'on veut façonner un avenir meilleur, mais ce n'est pas vrai. L'avenir n'est qu'un vide indifférent qui n'intéresse personne, mais le passé est plein de vie et son visage irrite, révolte, blesse, au point que nous voulons le détruire ou le repeindre. On ne veut être maître de l'avenir que pour pouvoir changer le passé.

Dieu a inculqué dans le coeur des femmes la haine des autres femmes parce qu'il voulait que le genre humain se multiplie.

Tout mouvement politique est fondé sur le kitsch, sur la volonté de séduire.

Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort.

En politique, le monde est blanc ou noir. Il n'y a aucune place pour l'ambiguïté, la contradiction, le paradoxe.

La politique, c'est l'écume sale sur la surface de la rivière, alors qu'en fait la vie de la rivière s'accomplit à une bien plus grande profondeur.

La façon dont on raconte l'Histoire contemporaine ressemble à un grand concert où l'on présenterait d'affilée les cent trente-huit opus de Beethoven mais en jouant seulement les huit premières mesures de chacun d'eux.

Imprimer la forme à une durée, c'est l'exigence de la beauté mais aussi celle de la mémoire.

Danser dans une ronde est magique ; la ronde nous parle depuis les profondeurs millénaires de la mémoire.

La culture, c'est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre.

La mémoire du dégoût est plus grande que la mémoire de la tendresse !

La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie.

La culture n'est qu'une longue interrogation, les médias ont une réponse rapide à tout ; la culture est la gardienne de la mémoire, les médias sont les chasseurs de l'actualité.

La lutte de l'homme contre le pouvoir, c'est la lutte de la mémoire contre l'oubli.

Le plus grand malheur de l'homme, c'est un mariage heureux. Aucun espoir de divorce.

Quand on tue de grands rêves il coule beaucoup de sang.

Les destinées humaines sont entre elles soudées d'un ciment de sagesse.

Seule une très grande intelligence est capable d'insuffler un sens logique aux idées insensées.

Solitude : douce absence de regards.

Ce ne sont pas les ennemis, mais les amis qui condamnent l'homme à la solitude.

Ce qui distingue l'autodidacte de celui qui a fait des études, ce n'est pas l'ampleur des connaissances, mais des degrés différents de vitalité et de confiance en soi.

L'amour physique est impensable sans violence.

La religion et l'humour sont incompatibles.

Il est des regards à la tentation desquels personne ne résiste : par exemple le regard sur un accident de la circulation ou sur une lettre d'amour qui appartient à l'autre.

Le sentiment d'amour nous abuse tous par une illusion de connaissance.

La jalousie possède l'étonnant pouvoir d'éclairer l'être unique d'intenses rayons et de maintenir les autres hommes dans une totale obscurité.

Il n'est rien comme la jalousie pour absorber un être humain tout entier.

Si tout homme avait la possibilité d'assassiner clandestinement et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes.

Imprimer la forme à une durée, c'est l'exigence de la beauté mais aussi celle de la mémoire.

Avant de disparaître totalement du monde, la beauté existera encore quelques instants, mais par erreur. La beauté par erreur, c'est le dernier stade de l'histoire de la beauté.

La beauté d'un mot ne réside pas dans l'harmonie phonétique de ses syllables, mais dans les associations sémantiques que sa sonorité éveille.

Le kitsch c'est une esthétique qui est soutenue par une vision du monde, c'est presque une philosophie. C'est la beauté en dehors de la connaissance, c'est la volonté d'embellir les choses et de plaire, c'est le conformisme total.

Un événement n'est pas disqualifié par son caractère accidentel, au contraire c'est le hasard qui lui donne sa beauté, sa poésie.

La beauté est l'abolition de la chronologie et la révolte contre le temps.